Saint-Pétersbourg

 

 

Elle se tient immobile, 
Statue de marbre nostalgique, 
Dehors la neige volubile 
Zèbre la nuit de lumière magique. 

Elle a les yeux perdus au milieu des flocons 
Dans lesquels se reflète une Russie vécue, 
Un voyage,St Petersbourg offert à sa vue, 
Une semaine cristallisée en tourbillons 
De souvenirs ou de neige tardive. 
Elle se rappelle le soleil et la chaleur chétive 
Sur la longue et magnifique perspective Nevski, 
Les soirées sans fin dans la rue Sadovaia, 
Elle revoit ce qu'avait décrit Dostoïevski 
Et regarde la neige française d'un sourire las. 

Elle partait de son hôtel à la nuit bleue, 
Trois stations de métro à regarder 
Les babouchkas et les hommes aux yeux d'aciers, 
Personnages pâles cachant une histoire qui émeut 
Derrière ces visages impassiblement fermés. 
Puis elle descendait et montait de longs escaliers 
Pour retourner à la surface nocturne éclairée. 
Là se trouvaient des groupes de vieux amis 
Sur des bancs, à tinter de paroles la nuit 
Entrechoquant les bouteilles de vodka bientôt vidées. 
Elle allait avec ses compagnons de voyage 
Dans des bars où se joue de la musique locale, 
Alors elle demandait en quantités abyssales 
De la vodka pour lui prodiguer rires et mirages. 

Un soir, alors qu'elle rentrait avec ses amis 
Ayant les yeux mouillés de quelques folies, 
Elle a croisé sur son chemin accidenté 
Un militaire russe dans sa chapka engoncé. 
Elle ne sait plus comment, ni pourquoi, 
Mais elle s'est retrouvée blottie dans ses bras 
L'embrassant avec une ardeur décuplée 
Par les inhibitions que l'alcool avait levées. 
Elle s'est simplement jetée de manière cavalière 
Sur la bouche floue du militaire. 

Un autre soir à une table bien remplie 
De ses compagnons Français bruyants et d'ivresse joyeux, 
Elle s'est retrouvée isolée par quelque nostalgie, 
Des désillusions et des rêves douloureux 
Peuplant son cerveau embrumé de vodka. 
Etrangère aux rires, dans un monde loin de là, 
Elle n'a pas vu qu'un Russe à la table voisine 
L'observait de manière trop insistante pour être anodine. 
Quand il s'est approché pour faire connaissance, 
Elle a sursauté reprenant soudainement conscience. 
Au milieu des rires assourdissants de la tablée, 
Ils ont parlé dans un mélange de russe et de français, 
De poésie, de Baudelaire et de Pouchkine sans s'arrêter. 
Quand enfin, épuisés de tant d'enthousiasme, 
Ils se sont tus, essoufflés et apaisés 
Le Russe lui a alors conté son nouveau fantasme. 
La trouvant belle perdue dans ses pensées, 
Il voulait sur une toile l'immortaliser, 
Poète des couleurs, il a voulu transcrire 
Dans sa peinture, la Française en fade sourire. 
Elle a refusé, pudique et gênée de tant de flatterie, 
Puis elle est sans adieu repartie. 

Elle est toujours immobile, 
La neige s'est arrêtée, 
Elle a surs sa bouche tranquille 
Le goût d'un baiser passionné, 
Le goût d'une folle aventure, 
Et elle a dans la tête une douce errance, 
Un agréable murmure, 
L'empreinte d'une romance.

Silia